Dans ce chapitre, nous allons détailler les différents phénomènes physiques impliqués dans l'étude d'un actionneur magnétostrictif.
Nous commencerons dans une première partie par l'étude de la magnétostriction[12, Lacheisserie]. Nous serons amené à expliquer le phénomène physique ainsi que les différents effets impliqués. Ensuite, nous aborderons les aspects théoriques nécessaires afin de pouvoir effectuer une modélisation de ce phénomène. Enfin, nous exposerons les barreaux magnétostrictifs, les différents procédés de fabrication et les rares fabricants internationaux.
La deuxième partie concerne le magnétisme et nous verrons les différents matériaux magnétiques qui seront utilisés pour la fabrication des actionneurs. Ces matériaux sont les matériaux ferrites doux, les aimants et les circuits magnétiques feuilletés.
Nous évoquerons enfin, dans les troisième et quatrième partie de ce chapitre les problèmes thermiques et mécaniques inhérents à l'utilisation d'actionneurs magnétostrictifs.
Il existe deux effets magnétostrictifs, l'un appelé effet magnétostrictif spontané et l'autre (qui nous intéresse plus particulièrement et que l'on étudiera par la suite) appelé magnétostriction de Joule. L'effet magnétostrictif spontané se caractérise par une variation permanente en volume du matériau par rapport à celui qu'il occuperait s'il n'était pas magnétique. L'effet magnétostrictif de Joule, découvert en 1842 par James Prescott Joule, consiste en une déformation à volume constant du matériau lorsqu'il est soumis à un champ magnétique extérieur.
Au terme magnétostriction est associé depuis longtemps un des inconvénients majeurs de l'appareillage électrique : les bruits et vibrations à fréquences fixes engendrés par ces appareils. La nuisance acoustique et vibratoire due aux déformations mécaniques provoquées par la magnétostriction des matériaux ferromagnétiques est donc l'une des principales conséquences de la magnétostriction. Cette nuisance se retrouve dans de nombreuses machines électriques comme les transformateurs et les machines tournantes.
Cependant la magnétostriction est aussi un phénomène utilisé avec profit. Les militaires furent les premiers à utiliser des matériaux magnétostrictifs pendant la seconde guerre mondiale pour les sonars des sous-marins. Les deux principaux avantages de ces matériaux sont d'une part de pouvoir émettre (mode transducteur) et recevoir des ondes acoustiques (mode capteur) avec le même matériau et d'autre part comme aucun contact physique n'est nécessaire entre le bobinage (créant le champ magnétique) et le matériau magnétostrictif, la commande peut se faire "à distance".
Mais l'effet magnétostrictif des matériaux utilisés à cette époque (principalement Al-Fe et nickel) était très faible. Vers 1950, les capteurs et transducteurs magnétostrictifs furent remplacés par des matériaux piézo-électriques devenus beaucoup plus performants.
Dans les années 1960 les recherches reprirent après l'étude prometteuse de Monsieur Belov à Moscou. Il étudiait la magnétostriction de certains métaux de la famille des terres rares. Puis Clark, un américain de la Naval Ordonnance Laboratory, découvrit en 1974 un alliage conservant, à température ambiante et sous un champ magnétique de 0.1 à 1 Tesla, une magnétostriction de l'ordre de 0.15% (1500 partie par million), ainsi naquit le terfenol-D (un alliage de dysprosium-terbium-fer). Le terme "magnétostriction géante" est souvent donné à ces nouveaux matériaux pour les distinguer de ceux de type Al-Fe ou nickel dont les effets magnétostrictifs sont moins importants. Le gain de ces matériaux à magnétostriction géante est d'environ de deux ordres de grandeurs, soit un facteur 100. Les performances en déformation sont environ deux fois plus importantes en comparaison avec les meilleurs matériaux piézo-électriques.
Depuis lors, les matériaux magnétostrictifs sont devenus compétitifs en terme de performance et prometteurs pour de nombreuses applications[13,Quandt] : le moteur magnétostrictif à onde ultrasonore, les capteurs, les actionneurs de forte puissance, le moteur Kiesewetter, le contrôle actif des vibrations, etc.
Nous allons nous intéresser tout d'abord à la magnétostriction à l'échelle microscopique afin de comprendre la source de ce phénomène. Nous définirons les particularités du nuage électronique de ces matériaux et le concept de direction de facile aimantation.
Le nuage électronique: L'énergie magnéto-élastique crée un couplage entre les déformations du réseau cristallin et l'état d'aimantation. La magnétostriction qui en résulte est la conséquence de la forme non sphérique du nuage électronique de valence de certains matériaux : lorsque le champ magnétique extrême fait tourner les moments magnétiques, le nuage électronique non sphérique tourne également et modifie l'équilibre cristallin en attirant ou en repoussant les ions voisins.
Direction de facile aimantation: le réseau cristallin impose des directions préférentielles pour l'aimantation. Néanmoins si un champ magnétique est appliqué au matériau, ses moments magnétiques auront tendance à s'aligner dans la direction de ce champ pour minimiser l'énergie interne. Il s'ensuit un réarrangement des domaines magnétiques, ce qui modifie les dimensions du réseau cristallin de l'échantillon, d'où la déformation de ses dimensions géométriques.
Les métaux et alliages magnétostrictifs sont naturellement cristallins. Cependant, sous certaines conditions et par des traitements spéciaux, il est possible de les fabriquer sous forme amorphe. Un des premiers modes de fabrication est la trempe de l'échantillon (c'est à dire un refroidissement brutal). Les atomes alors se figent et n'ont pas le temps de se réorganiser sous forme cristalline. Pour des raisons de transfert de chaleur, cette méthode ne peut être appliquée qu'à des matériaux de faibles volumes et épaisseurs (rubans, poudres...). Une seconde méthode consiste en des dépôts de couches minces afin de créer des couches de matériaux amorphes. Il n'est donc pas possible de trouver des barreaux magnétostrictifs amorphes. Par contre les couches magnétostrictives amorphes possèdent quelques avantages par rapport aux couches minces cristallines et c'est donc une des méthodes les plus intéressantes encore en pleine évolution en vue de leur utilisation dans des micro-systèmes[14,Betz].
Les principaux matériaux magnétostrictifs peuvent être séparés en deux groupes: les métaux (fer, cobalt, nickel principalement), les alliages métalliques et ferrites d'un coté et les composés de terres rares de l'autre.
C'est sur le nickel et sur les alliages métalliques que les premiers effets magnétostrictifs ont été observés. Mais ces matériaux ont une déformation très faible qui reste inférieure à 100 ppm avec des coefficients de couplage magnéto-mécanique[32,Berlincourt] de l'ordre de 0.3. Par contre leur température de Curie (voir Tableau II-1) est très élevée et garantit une bonne stabilité thermique.
Les ferrites ont ensuite été mis au point : leur effet magnétostrictif est plus important. Par ailleurs, ils peuvent être utilisés à des fréquences élevées et présentent un fort rendement électroacoustique. Leur inconvénient majeur est leur fragilité.
Pour parer aux problèmes liés aux très basses températures de curie (Tc) des terres rares, ces composés sont alliés à du fer dont la Tc est très élevée. Ainsi les composés TbFe2 et SmFe2 fournissent la plus grande magnétostriction (respectivement positive et négative) à température ambiante. Pour ces alliages le terme "magnétostriction géante" est utilisé. La température de curie de ces alliages reste faible et entraîne une variation des propriétés magnétostrictives de ces derniers avec la température. On montre que la magnétostriction décroît de façon monotone avec l'augmentation de la température.
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En étudiant les résultats présentés (cf. Tableau II-1 ci-dessus), nous constatons que les coefficients magnétostrictifs des matériaux amorphes sont beaucoup plus faibles que ceux des matériaux polycristallins. Malgré cela les matériaux amorphes possèdent l'avantage d'avoir une déformation importante sous faible champ. De plus du fait de leur faisabilité en couche mince, ils conviennent parfaitement aux applications micro-systèmes[18,Body]. L'obtention de déformations significatives sous très faible champ est un aspect déterminant pour ces applications.
Les alliages polycristallins terre rare-Fe2 ont une température de Curie plus élevée que les matériaux amorphes mais ils souffrent d'une forte anisotropie qui gène le processus de rotation du champ. L'introduction de dysprosium permet d'adoucir le matériau en réduisant son énergie d'anisotropie tout en conservant une magnétostriction élevée.
Ce paragraphe décrit succinctement les différentes manifestations de la magnétostriction[19,Lee][20,Volluet][21,Bozorth]. Elles sont décrites dans le cas d'un barreau magnétostrictif soumis à un champ magnétique axial.
L'effet Joule longitudinal
C'est le phénomène le plus important et le plus utilisé
de la magnétostriction. Il se caractérise par la variation
de la longueur D l d'un barreau magnétostrictif
de longueur l. Il est quantifié par le coefficient de magnétostriction
à saturation représentant la variation de la longueur du
barreau par rapport à son état désaimanté isotrope.
L'histoire magnétique du matériau est rarement connue. Pour
cette raison, nous considérons seulement la mesure différentielle
entre la magnétostriction parallèle et la magnétostriction
perpendiculaire à saturation :
![]() |
Eq. 6
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Ce coefficient peut prendre des valeurs positives (la magnétostriction positive) ou négatives (la magnétostriction négative) et permet la classification des matériaux magnétostrictifs en fonction de leur déformation (cf. Figure II-1).
L'effet Joule transversal
Il est lié à la variation des dimensions transversales du barreau qui accompagne son allongement élastique. Le coefficient de Poisson rend compte de cet effet transversal consécutif à un allongement.
L'effet Villari
Ce phénomène est l'effet longitudinal inverse. Lorsque la longueur du barreau est modifié mécaniquement, deux phénomènes sont possibles : soit le barreau s'aimante en créant un champ magnétique le long de son axe, soit son état d'aimantation se modifie. C'est le phénomène utilisé dans les capteurs magnétostrictifs de déformation.
L'effet Wiedemann
Cet effet consiste en une torsion du barreau suivant son axe lorsqu'il est traversé par un courant axial et aimanté selon son axe.
L'effet Guillemin ou effet de flexion
Un barreau suffisamment fin et long placé en position horizontale, encastré d'un coté avec un poids suspendu de l'autre coté subit une courbure. Lorsque ce barreau est traversé dans le sens de sa longueur par champ, le rayon de courbure varie. Cet effet met en évidence la dépendance des constantes de cisaillement du matériau avec le champ magnétique.
Les effets de variation de volume
L'effet de forme: variation de volume à champ faible, elle dépend de la géométrie de l'échantillon.
L'effet de cristal: Il se produit pour un champ magnétique plus élevé et devient plus important pour des valeurs très élevées du champ magnétique (c'est la magnétostriction forcée).
Cependant ces effets de variation de volume sont très faibles et comme nous l'avons déjà souligné (cf. II.1. La magnétostriction), l'effet magnétostrictif de joule est souvent considéré sans variation de volume (ce sera une de nos hypothèses pour la suite).
L'effet D E
La déformation cristalline entraîne une variation du module d'Young du matériau lorsque l'aimantation varie. La variation D E du module d'Young est l'une des causes du glissement de la fréquence de résonance des barreaux magnétostrictifs.
est de l'ordre de 15% au maximum pour le Nickel mais peut atteindre jusqu'à
190% (à 200 kA/m) dans le cas du Terfenol-D [22,Savage].
La Figure II-4 donne à titre d'exemple la courbe du module d'Young
à H constant pour deux alliages différents
[23,Clark].
Nous retiendrons de cette énumération les effets principaux dont les applications industrielles sont directes : l'allongement longitudinal (Joule) et la compression transverse qui l'accompagne ainsi que la torsion (Wiedemann) du barreau.
Nous nous baserons sur les principes de théorie suivants [27,Claeyssen] pour pouvoir interpréter correctement les différents paramètres d'un matériau magnétostrictif. Pour les notations exactes, se référer à la norme " IEEE Standard on Magnetostrictive Materials "[28,TCTR]. La magnétostriction est une fonction paire car elle répond au carré de l'induction magnétique. Dans le cas d'un barreau, la déformation S en l'absence de contrainte s'écrit :
![]() |
Eq. 7
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Les équations constitutives d'un milieu piézo-magnétique
s'écrivent sous forme d'un système reliant le tenseur des
contraintes [T], le tenseur des déformations [S], le vecteur induction
magnétique et le
vecteur champ magnétique
.
En choisissant par exemple [S] et
comme variables indépendantes, [T] et
s'expriment de la façon suivante :
![]() |
Eq. 8
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![]() |
Eq. 9
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![]() ![]() |
Eq. 10
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![]() ![]() |
Eq. 11
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![]() |
Eq. 12
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Eq. 13
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Eq. 14
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Eq. 15
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Eq. 16
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![]() |
Eq. 17
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![]() |
Eq. 18
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Si nous nous plaçons maintenant dans le cadre de notre application, c'est à dire dans le cas d'un actionneur magnétostrictif : le barreau est à priori contraint (T3) uniquement suivant son axe et il n'a pas de contraintes radiales. On peut donc considérer les termes de contrainte T1 et T2 nuls. Il en est de même pour les contraintes de cisaillement T4, T5, T6. L'actionneur magnétostrictif est également magnétiquement polarisé seulement dans le sens de sa longueur. Nous pouvons donc supposer les inductions radiales B2 et B3 nulles. Dans ces conditions le système d'équations aux variables indépendantes H et T devient :
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Eq. 19
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Un dernier terme important est le coefficient de couplage longitudinal k33. Il représente la capacité du matériau à coupler deux énergies et en l'occurrence les énergies magnétiques et mécaniques. En transposant des travaux effectués sur la piézo-électricité au piézo-magnétisme, on obtient ce coefficient grâce à l'analyse de la densité d'énergie interne dans un barreau long en mode longitudinal. Cette énergie interne peut être divisée en trois parties :
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Eq. 20
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![]() |
Eq. 21
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Eq. 22
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![]() |
Eq. 23
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Le Terfenol-D est constitué de Terbium, Dysprosium et Fer dont la stœchiométrie[34,Clark] est en moyenne la suivante Tb0.3Dy0.7Fe2. Une diminution de la proportion de Terbium (Tb0.27) contribuera à linéariser les caractéristiques aux dépends de la déformation maximale. Alors qu'une diminution de ce composé permettra une utilisation à des températures basses (Tb0.35, -60°C) mais augmentera l'hystérésis.
Différentes méthodes permettent de fabriquer ce type de barreau sous différents états cristallins. Les propriétés de chacun diffèrent selon l'élaboration.
Les barreaux performants actuellement sur le marché sont des monocristaux. L'étude de ces matériaux a montré qu'ils présentent la plus forte magnétostriction suivant l'axe cristallographique [111]. Malheureusement l'axe préférentiel de croissance cristalline du matériau est perpendiculaire à cette direction. Il est donc impossible d'obtenir de long cristaux suivant la direction [111]. Les alliages polycristallins sont eux beaucoup plus faciles à réaliser mais au prix de performances réduites, ils sont appelés Terfenol à Grain Non Orienté (GNO). Des recherches[35,36,37,38,Savage] ont permis d'élaborer depuis quelques années un procédé de fabrication permettant d'obtenir des cristaux de tailles suffisamment importantes pour envisager des actionneurs aux propriétés intéressantes. Ce procédé appelé T.C.S. pour Twinned Single Cristal (bicristaux jumelés) ne permet pas de faire croître le cristal suivant la direction de facile aimantation [111] mais suivant un axe proche, l'axe [112]. Du point de vue magnétostrictif, les mécanismes sont plus complexes et dépendent des comportements différents des dendrites formant le cristal[39,Clark]. Dans une des dendrites " la parente ", la magnétostriction est obtenue par un saut alors que dans la jumelle elle se développe continûment[40,Clark][41,Xhao].
Les deux principales techniques permettant de réaliser des matériaux à Grain Orientés dans la direction [112] sont :
Les techniques que nous venons de voir précédemment sont les plus fréquemment utilisées. Elle consiste donc à faire pousser un cristal puis de le tailler sous forme cylindrique ou parallèlépipèdique pour en faire un barreau. La croissance du barreau puis sa découpe nécessitent un temps de fabrication très long d'où un coût de réalisation très important.
Une nouvelle technique de fabrication, en cours de développement et particulièrement bien avancée chez la société TDK[45,Mori], est issue de la métallurgie des poudres. Le procédé de fabrication est beaucoup plus simple et rapide que ceux vus précédemment et il permet d'obtenir des matériaux de formes diverses. Les propriétés de ces barreaux n'égalent pas ceux fabriqués par la méthode FSZM mais elles sont tout de même honorables pour un prix qui serait d'ores et déjà inférieur de moitié. Les matériaux à l'état de poudre sont mélangés et compactés sous la forme désirée en présence d'un champ magnétique. Ils subissent ensuite des contraintes thermiques et magnétiques permettant la diffusion des éléments. Il en résulte un matériau polycristallin axé sur la direction cristallographique [111], axe de facile aimantation, ce qui lui confère de très bonnes performances. La déformation à faible champ est moins importante que pour les matériaux FSZM car comme pour la méthode Brigmann l'effet du saut magnétostrictif est moins grand.
Terminons sur une dernière information concernant leur prix : un barreau FSZM de diamètre 7 mm. et de longueur 80 mm. coûte environ 580$ (source Etrema Products Inc.). Le prix est généralement proportionnel au poids du barreau. Le matériau actif est de loin l'élément le plus cher pour un actionneur magnétostrictif. Une réduction des coûts de moitié comme annoncée par TDK permettrait d'élargir leurs champs d'application. Une réduction ultérieure du prix (un facteur 10 est envisagé) pourrait avoir un fort impact industriel.
L'Université de Hull et de Salford nous ont fourni de nouvelles données (cf. Figure II-10 et Figure II-11) sur les derniers matériaux magnétostrictifs disponibles dans le commerce. En comparaison avec les anciennes données dont nous disposons (Dr Kvarnsjo, Royal Institute of Technology, Suède, cf. Figure II-8, mesures faites sur des barreaux à magnétostriction géante fabriqués par Etrema), nous constatons une amélioration significative des caractéristiques magnéto-mécaniques. Une déformation plus importante est relevée à faible champ et faible précontrainte. Ces nouvelles caractéristiques ont été utilisées pour la modélisation magnétique. Cependant, l'hystérésis est plus important sur les nouveaux barreaux utilisés.
Les Figure II-10 et Figure II-11 permettent de comparer les performances, en terme de déplacement, des barreaux FSZM fabriqués par Etrema et des barreaux fabriqués avec la technologie des poudres par TDK. Ces mesures ont été relevées par notre partenaire de l'université de Salford.
Tout d'abord, l'intérêt de la pré-contrainte est immédiatement visible. Il faut dans le cas d'un barreau FSZM Etrema environ 15 MPa de pré-contrainte pour obtenir le déplacement maximal alors que 30 MPa est nécessaire dans le cas d'un barreau TDK. La déformation est légèrement supérieure dans le cas d'un barreau FSZM Etrema et elle nécessite un champ plus faible. Par exemple, sous 20 MPa de pré-contrainte et pour obtenir une déformation de 1500 ppm, il faudra un champ de 135 kA/m pour un barreau TDK alors que seulement 65 kA/m suffira pour un barreau FSZM Etrema. Ou encore, sous 40 MPa de pré-contrainte et pour obtenir une déformation de 1500 ppm, il faudra un champ de 215 kA/m pour un barreau TDK alors que seulement 105 kA/m suffira pour un barreau FSZM Etrema. L'utilisation d'un barreau TDK nécessitera donc un champ magnétique beaucoup plus important pour obtenir des déformations identiques à un barreau FSZM.
On constate également une hystérésis beaucoup plus importante dans le cas des barreaux TDK pour des pré-contraintes supérieures à 20 MPa. Par conséquent, les pertes par hystérésis (pertes Fer) qui sont proportionnelles à l'aire décrite sous la courbe d'hystérésis et également au nombre de cycles parcourus (c'est à dire la fréquence d'excitation), seront plus importantes pour ce type de barreau.
Les Figure II-12 et Figure II-13 montrent l'évolution du coefficient d33 en fonction du champ magnétique appliqué au barreau, respectivement dans le cas d'un barreau FSZM fabriqué par Etrema et d'un barreau fabriqué avec la technologie des poudres par TDK. Ce coefficient représente le couplage piézo-magnétique propre au matériau. Il passe par un maximum où ce couplage est le plus important, pour ensuite redescendre à zéro suite à la saturation magnétique du matériau. Plus d33 est élevé et atteint son maximum à faible champ plus la déformation sera importante à faible champ pour le barreau FSZM.
Les caractéristiques des barreaux présentées jusque là, sont des mesures statiques ou quasi-statiques (à très faible fréquence inférieure à 1 hertz). Nous avons observé que les déformations pouvaient aller jusqu'à 2000 ppm. On peut trouver dans la littérature des déformations de plus de 2400 ppm[46,Claeyssen]. Ces mesures sont réalisées en dynamique sous condition de résonance mécanique du barreau. Pour cela, la précontrainte est ajustée en fonction de la fréquence de résonance souhaitée. Ceci implique de travailler toujours à la même fréquence, ce qui ne convient pas aux applications de contrôle actif des vibrations ou de test de structure.
A propos des performances des barreaux de Terfenol-D, un phénomène intéressant est à signaler. Paradoxalement, les performances de ces matériaux semblent s'améliorer avec le nombre de cycles d'utilisation. Les recherches menées par le Department of Applied Physics de l'université de Hull (GB) ont montré que le déplacement à faible précontrainte était fortement augmenté après une longue utilisation (+67% à 2 Mpa après 106 cycles). Par contre le champ statique utile pour obtenir le coefficient d33 maximum augmente avec le nombre de cycles[47,Prajapati].
La Figure II-14 montre les caractéristiques simplifiées de déformation S en fonction du champ magnétique H des barreaux magnétostrictifs.
Nous pouvons constater qu'il est nécessaire, pour optimiser et rendre exploitable l'utilisation d'un barreau, de le pré-magnétiser (le placer dans un champ magnétique constant). En pré-magnétisant le barreau à l'aide d'aimants (champ statique), le point de fonctionnement est modifié afin d'éviter le phénomène de doublement de fréquence illustré dans la Figure II-15 qui rendrait l'actionneur difficilement exploitable. L'application d'un champ magnétique variable autour de ce point de fonctionnement permet au barreau de s'allonger mais également de se contracter, phénomène impossible sans champ statique. Il est également important de le pré - contraindre mécaniquement (cf. Figure II-8). La précontrainte mécanique oriente les domaines magnétiques du barreau perpendiculairement à l'axe de compression et a pour conséquence d'augmenter la déformation de celui-ci sous l'application d'un champ magnétique.
L'alliage de fer et de terre rare donne par nature un composé cassant. Des précautions lors de la manipulation doivent être prises pour ne pas l'ébrécher. La précontrainte appliquée au barreau doit être la plus uniforme possible afin d'éviter le fléchissement de ce dernier. Enfin sa fragilité ne permet pas de le faire travailler en traction. Le barreau devra donc toujours être précontraint.
De manière générale lorsque la précontrainte augmente le coefficient piézo-magnétique d33 (il correspond à la pente des courbes d (H)) diminue ainsi que la perméabilité [48,Yoshikawa], il faut donc un champ magnétique plus important pour obtenir le même déplacement. Le point de polarisation doit également être relevé en augmentant la valeur du champ statique pour éviter le problème de doublement de fréquence.
Qu'elle soit de 4 ou de 18, la perméabilité du barreau reste faible et proche de celle de l'air. Pour cette raison les fuites magnétiques dans l'air sont importantes (cf. Figure III-10) et il devient difficile d'obtenir un champ homogène dans un barreau de 10 cm de long.
Les recherches continuent afin de découvrir des matériaux toujours plus performants présentant des déformations plus grandes sous faible champ. On peut aussi signaler des recherches qui ont pour but d'augmenter la linéarité de ces matériaux, autrement dit, augmenter la réponse piézo-magnétique[49,Pulvirenty] ou encore réduire l'hystérésis de la courbe de déformation par rapport au champ magnétique[50,Wun-Fogle][51,Chin].
Les ferrites ont une résistance et une dureté qui n'a
pas d'égale dans les métaux ferromagnétiques. Trois
sortes de ferrites sont communément utilisées. La première
est utilisée pour fabriquer des aimants permanents. La deuxième
possède de très bonnes caractéristiques à très
haute fréquence et elle est principalement utilisée dans
les appareils micro-ondes. La troisième est celle qui nous intéresse.
Utilisé comme circuit magnétique dans les appareils nécessitants
de larges bandes de fréquence, nous le retrouvons dans les transformateurs,
les alimentations de puissance, les actionneurs vibrants, etc. Ce matériau
est appelé " matériau ferrite doux ".
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Les matériaux en ferrite doux peuvent être utilisés pour remplacer une partie d'un circuit magnétique dont la forme devient trop complexe. Dans le cas de l'actionneur magnétostrictif, nous avons choisi une structure plane pour le circuit magnétique (cf chapitre III). Il pourra être ainsi réalisé en fer doux laminé. La partie posant problème est l'interconnexion entre cette structure plane et la forme circulaire du barreau. Pour y remédier, deux petits cylindres ont été placés au dessus et en dessous du barreau et dans son prolongement. Ces cylindres, appelés aussi pièces polaires, doivent avoir les propriétés suivantes : une faible conductivité électrique pour réduire les courants induits, une perméabilité et une induction à saturation élevées. Ces pièces cylindriques ne peuvent pas être réalisées en fer doux laminé. Les ferrites sont par contre les matériaux appropriés.
La variation du taux de mélange des métaux ainsi que l'ajout d'additifs permet d'obtenir des propriétés adaptées à différentes applications. Ces matériaux ferrites doux sont issus des méthodes de fabrication de la métallurgie des poudres. Ils possèdent une induction à saturation assez élevée et une perméabilité importante. En même temps, il est important de réduire les pertes par courants induits qui deviennent importantes lorsque la fréquence augmente. Pour cela, la structure de ces matériaux doit être le plus homogène possible, les cristaux (ou grains) dont ils sont composés doivent être de très petites tailles et enfin les liaisons chimiques entre les grains doivent permettre de les isoler les uns des autres. Les propriétés de plusieurs alliages de matériaux ferrites doux sont présentés dans le Tableau II-2.
La puissance d'un aimant n'a pas beaucoup de sens pour un spécialiste en la matière. On parlera plutôt de direction de polarisation, de champ, d'induction, de perméabilité, de champ coercitif ou d'aimantation rémanente.
Un champ magnétique découle du déplacement des charges électriques. L'exemple le plus parlant est la création d'un champ magnétique produit par la circulation d'un courant (charge électrique négative : électron) dans une bobine.
Mais un morceau de matière (aimant) peut-il créer un champ permanent ?
Les électrons composants le nuage électronique d'un atome tournent sur eux-mêmes. Le mouvement de la charge électrique appelé aussi spin de l'électron crée autant d'aimants élémentaires. Mais dans la plupart des atomes, chaque électron est appareillé à un autre électron qui tourne en sens contraire et leurs champs magnétiques s'opposent et s'annulent mutuellement. Toutefois, il existe des atomes pour lesquels ces champs magnétiques ne s'annihilent pas. Chaque atome devient un aimant. Mais comme les aimants que forment chaque atome ont des directions d'aimantation (de polarisation) désordonnées, le champ résultant est toujours nul.
Cependant dans quelques éléments dit ferromagnétiques, les atomes sont alignés et les champs magnétiques s'ajoutent. Ses atomes forment un domaine magnétique qui avec ses domaines voisins créent un champ magnétique global proche de zéro. Toutefois, dans certains matériaux, il peut arriver que la structure cristalline privilégie une direction donnée qui est appelée direction de facile aimantation. Il est possible de forcer tous les domaines d'un matériau à s'orienter dans le même sens en lui appliquant un champ magnétique. Lorsque le champ magnétique est alors coupé, ces matériaux conservent un champ magnétique rémanent qui en font des aimants.
Notre problème est de trouver des alliages qui allieront un champ coercitif élevé et une induction rémanente importante. Les premiers aimants furent fabriqués avec des alliages d'éléments ferromagnétiques. Puis en 1970 on découvrit que certains éléments de la catégorie des terres rares ajoutés aux aimants ferromagnétiques permettaient d'améliorer leur performance. Le premier composé fut le samarium-cobalt avec des caractéristiques sept fois supérieures aux meilleurs ferrites. C'est en 1983 que des ingénieurs japonais de Sumitomo découvraient l'alliage néodyme-fer-bore 2,5 fois plus performant que le samarium-cobalt.
Le transfert thermique peut s'effectuer de trois manières différentes, par rayonnement, par convection et par conduction.
Le transfert thermique par rayonnement s'effectue sans support matériel et il se caractérise par la propagation d'ondes électromagnétiques. Il peut être représenté par cinq flux thermiques pouvant coexister dans un matériau surfacique.
Le rayonnement infrarouge n'est généralement important qu'à haute température où il devient prédominant dans l'évacuation de la chaleur.
Le transfert thermique par convection permet un échange de calories entre un fluide et un solide. Le transfert thermique par convection en régime permanent est donnée par la loi de Newton.
On considère (Figure II-19) la surface d'une paroi à la
température Ts en contact avec un fluide en mouvement
du milieu ambiant à la température Tf. Le flux
thermique échangé entre la surface et le fluide en mouvement
suit l'expression suivante :
![]() |
Eq. 24
|
où F est le flux échangé en W, S la surface de la paroi et h le coefficient d'échange par convection en W.m-2.K-1.
La difficulté est de connaître le coefficient d'échange par convection. Il dépend de la vitesse du fluide, de sa viscosité, de sa conductivité thermique, de son coefficient de dilatation thermique, de la rugosité de la paroi, etc. Pour certaines surfaces, il existe des abaques pour déterminer ce coefficient. Lorsqu'ils n'existent pas, il doit être déterminé expérimentalement car il n'est pas du tout maîtrisé au niveau théorique.
La densité de flux thermique j
traversant un plan de surface unité est exprimée en W.m-2
et a l'expression suivante :
![]() |
Eq. 25
|
Dans le cas d'un modèle tel qu'un mur à une seule couche
(Figure II-20) de surface S et d'épaisseur e, l'expression du flux
thermique est donnée par :
![]() |
Eq. 26
|
![]() |
Eq. 27
|
La raideur intervient dans la plupart des calculs que ce soit pour calculer
la force développée, la réponse du système
ou sa fréquence de résonance. La raideur [N/m] d'un matériau
dépend de son module d'Young E qui est le rapport entre la contrainte
T (force par unité de surface) et la déformation
S (allongement par unité de longueur). Cette
relation s'écrit donc ainsi :
![]() |
Eq. 28
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Lorsqu'un barreau magnétostrictif est précontraint, il réagit en créant un champ magnétique. Les éléments entourant le barreau vont également influer sur son comportement. Autrement dit, la réluctance du circuit magnétique vue par le flux créé par le barreau va modifier sa raideur. Si l'on ajoute les phénomènes de non-linéarité liés à la magnétostriction, on se rend compte de la complexité du comportement de ce type de matériau.
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Eq. 29
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Eq. 30
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L'application des théorèmes généraux de la dynamique donne l'équation différentielle suivante traduisant le comportement du système :
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Eq. 31
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Eq. 32
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Eq. 33
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Eq. 34
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Eq. 35
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Nous possédons maintenant les bases physiques et théoriques nécessaires pour pouvoir comprendre le fonctionnement de ce type d'actionneur en vue de sa conception et de son utilisation.
Le chapitre suivant est consacré à la modélisation de l'actionneur. Nous reverrons donc les considérations magnétiques, thermiques et mécaniques. Il nous conduira à choisir, concevoir et dimensionner les différentes pièces qui constituent l'actionneur magnétostrictif.